


Pino
(A suivre)
Les réseaux sociaux ont toujours existé.
Le besoin ou l’espoir de se retrouver autour d’une croyance, une espérance, une haine ou une affection est le fondement de la vie sociale, de ses multitudes de « cercles », qui se recoupent ou s’opposent pour créer des affinités, voire des conflits.
Certains seront confidentiels, au pire élitistes. D’autres plus populaires ou généreux visent le plus grand nombre.
Entre les premières communautés religieuses et les twitters de Tunisie, on retrouve les mêmes espoirs. La différence est davantage dans le temps que dans l’objet: des siècles pour bâtir une communauté, quelques jours pour en révéler une autre!
La technologie ne fait pas avancer les idées. Elle en accélère la diffusion, suscite au mieux le débat sur des slogans simplifiés, entretient un moment l’esprit critique, mais ne favorise pas l’inscription dans la mémoire des hommes. La vraie mémoire est encore dans les livres et pas dans les disques durs.
Bien sûr, à peine lancée, l’idée qui fonde un pouvoir d’apparence trouvera dans l’univers numérique son contre-pouvoir. Mais le temps digital n’est pas celui de l’Histoire. La grammaire (qui articule les mots pour en faire des idées) ou la réflexion restent souvent affligeantes.
Bien sûr aussi, dénoncer, « tout de go », les caprices, maladresses ou crimes des puissants, rendre le privé au public, relève d’une logique démocratique non négociable.
Tant pis si les mensonges numériques font aussi des dégâts, au nom de la liberté.
Au total, la démocratie y gagne.
Après tout, la justice n’a qu’à faire son travail. Des parlementaires de bonne volonté ont rédigé à la hâte des textes pour limiter le désordre. Des organes de contrôle, comme la CNIL, ont actualisé leurs moyens et méthodes pour que les atteintes à la réputation de chacun soient prévenues, sinon combattues et sanctionnées. Les officines de e-reputation se multiplient, laissant croire que le temps ne fait rien à l’affaire et que, faute d’agir dans l’instant, on va perdre son boulot ou fermer la boutique. C’est aller bien vite en besogne et exagérer la crédulité du public et l’inconséquence de ses médiateurs.
Car la plupart de ces attaques numériques ne sont que des égratignures qui écornent l’image de personnalités fragiles ou peu éduquées.
Et au fond, Dieu reconnaîtra les siens.
Pino digital
L’enfer c’est les autres soutenait le philosophe. Il en va probablement aussi de la morale qui est surtout pour les autres.
Qui ne s’est réclamé un jour de la morale, oubliant pour un temps quelques égarements complaisamment justifiés ?
Dénoncer les turpitudes des autres ouvrirait la voie à la rédemption. Si l’on aime à se retrouver dans ceux qu’on a choisis, voire élus, on y reconnait aussi bon nombre de nos petits travers. Et les indélicatesses, les maladresses voire les comportements criminels des puissants, en étant exemplaires, rendent nos propres erreurs de simples fautes de goût.
Haro donc sur ces dirigeants qui se gavent d’avantages et notes de frais, sur ces politiques qui réclament l’immunité dans leur vie privée, là où d’autres sont aux galères depuis lurette.
Devant la lenteur de la Justice, et parce qu’il faut bien une morale, heureusement qu’il y a le Tribunal de l’Opinion. Ce tribunal, composé de juges « amateurs » (et friands d’anecdotes) déclenche sa justice sur médiation et même dénonciation.
Médiation lorsque les journalistes s’emparent du sujet, rivalisent de détails, choisissent avec application les images croustillantes que le public attendrait.
Dénonciation, bien souvent sur internet, media de la liberté, mais aussi de la manipulation. Internet juge en première instance ! Inutile de faire appel. Bien sûr, il existe des officines qui s’efforceront d’effacer toutes traces sur la toile de nos errements. On peut aussi compter sur la faculté d’oubli des internautes, mais les « moteurs de recherche » sollicitent la mémoire longue,…
Jugeant au nom de la « Morale du moment », pas facile d’arrêter ce tribunal de l’émotion.
Heureusement pour chacun, si le public a la dent dure, il est aussi compatissant. Avec le temps, une présentation habile des événements, un minimum d’arrogance et quelques bons amis, le retour est souvent possible. DSK, spontanément sympathique aux français, en avait fait plusieurs fois l’expérience que ce soit lors d’une démission de sa fonction de Ministre des Finances pour de fausses factures, ou des réclamations d’une maîtresse insuffisamment rémunérée.
Broutilles et embrouilles, vites pardonnées. Égratignures pour un homme dont la réputation fondée sur une compétence démontrée, en sortait humanisée. A condition, bien sûr, de ne pas franchir la ligne rouge foncée…
Face à la complaisance de l’opinion, la morale est à nouveau sollicitée. Faute d’éthique personnelle, il faudrait à nouveau enseigner la morale, en oubliant que celle-ci s’appuie d’abord sur l’exemplarité !
Joli programme.
Pino
Regard des autres, la réputation est d’abord un jugement, et personne n’échappe à sa réputation. Lorsqu’elle s’inscrit dans la culture du moment, c’est la porte ouverte à la gloire ; sinon, c’est la traversée du désert.
Fondée sur des valeurs partagées, la réputation s’inscrit dans le temps et il n’y a pas de réputation sans histoire.
Aux Etats-Unis, les « most admired companies » ont en moyenne 83 ans. En France, dans sa dernière notation sur la réputation des entreprises, l’Observatoire de la Réputation a remarqué que les entreprises françaises les plus réputées, étaient en moyenne centenaires ; et ce sont elles qui sur les dernières années sont les plus performantes.
Ainsi la réputation a une valeur mesurable. Ce n’est pas un actif spéculatif, c’est un patrimoine certes fragile, mais qui, bien cultivé, est plus solide qu’on ne le pense…à condition d’être patient.
E-réputation, cyber-réputation, Web-réputation ou encore réputation numérique, autant de noms désignant l’image d’une personne physique ou morale façonnée par l’ensemble des opinions émises sur les réseaux numériques tels qu’Internet.
Les entreprises prennent désormais pleinement conscience de l’influence qu’opère ce Web 2.0 (blogs, forums de discussions…), plus social, plus ouvert et plus dynamique, sur leur image et sur les attitudes, comportements et décisions des consommateurs.
Jérôme Coutard, Ph.D.Président
Catherine Jeannin, MBA, Chargée de Projets
http://www.filteris.com Novembre 2008
La loi de 1881 , dite Le Chatelier, sur la liberté de la presse, est-elle applicable plus d’un siècle plus tard, à l’heure d’Internet?
Geoffroy le Taillanter pense qu’elle est capable de s’adapter, comme elle y est parvenue pour la radio ou la télévision.
Publié dans Les Echos en avril 2000
… Internet organise le grand happening des rumeurs. Média favori de la réputation des personnes et des marques, les rumeurs sont colportées dans un vide juridique complaisant, sous prétexte de liberté d’information et de réalisme économique. Personne n’y échappe, illustres personnages ou inconnus projetés sur le devant de la scène dans une nudité culturelle que la virtualité ne contrarie pas…
…Chacun reprend ses marques. Internet a créé un formidable afflux d’images, mais le public a aussi besoin d’une lecture historique, de points de repère plus culturels que techniques ou technocratiques lorsqu’il ne s’agit plus seulement de consommer. Patrimoine dans un passé récent, investissement plutôt spéculatif aujourd’hui, la réputation reste clairement un capital précieux, exigeant et d’actualité.